Le sous-continent indien conduit inéluctablement au portrait. Dans la rue exclusivement. A force de vivre au milieu d’eux, la retenue a fini par céder la place à la complicité, jusqu’au déclic, jusqu’à oser aller en face.
Pas de studio, pas de lumière artificielle, pas de pose, pas de mise en scène. Une seule idée : un dialogue fugitif, souvent sans un mot échangé. Les Indiens, qu’ils soient rickshaw wallah, mendiant ou simple passant se reposant à l’ombre, se laissent volontiers photographier. Par gentillesse, par générosité, sans manières. Par jeu aussi, histoire de n’être pas trop sérieux. Juste un peu quand même, face à l’image renversée. Comme si la photo, dans une journée souvent harassante, plombée par un soleil sans pitié, offrait une récréation.
Au photographe de faire événement, de capter dans le regard et dans l’attitude l’impression indélébile de la douceur et de l’âpreté, de la candeur et de la gravité.
Le portrait dit en silence, par l’image incisive, figée, indéniable, la condition inhumaine. Sans filtre.
En trouvant dans chaque photo, à l’image de ces hommes et de ces femmes, l’élégance et la dignité esquivant l’implacable ; en témoignant du soin à rester vivant, à restituer l’enfance qui perdure en chacun, malgré l’injustice absolue de l’implacable déterminisme social.
Chaque portrait devient ainsi une forme d’hommage à cette lutte muette, aussi vaine qu’essentielle.
Une sorte de salut fraternel.
Léger et reconnaissant.